01/11/2025 reseauinternational.net  8min #295048

Le Réveil numérique : quand le contrôle total provoquera la fin de l'hypnose

par Serge Van Cutsem

Je n'ai pas écrit ce texte pour choquer, mais parce qu'il devenait impossible de me taire. Depuis plusieurs années, je regarde se mettre en place, pièce après pièce, une mécanique froide : désindustrialisation programmée, dépendance numérique, surveillance verte, et bientôt, identité et monnaie conditionnelles. Rien de tout cela n'est imaginaire, tout est déjà voté, signé, amorcé. Le Réveil numérique est ma tentative de relier ces faits, de les rendre visibles avant qu'ils ne deviennent irréversibles. Ce n'est pas un cri de colère, c'est un acte de lucidité : j'écris pour que, le moment venu, nul ne puisse dire qu'il ne savait pas.

J'ai décidé d'entamer le sujet sur l'actualité automobile, car il y a des effondrements qu'on voit venir de loin, mais qu'on préfère regarder comme un film catastrophe, confortablement assis dans son canapé. L'agonie de l'industrie automobile européenne en fait partie.

Le continent qui a inventé la voiture, qui en a fait le symbole même de la liberté, du progrès et de la puissance industrielle, regarde aujourd'hui ses fleurons se désintégrer les uns après les autres dans un silence aussi assourdissant que coupable.

Ce n'est pas une crise passagère : c'est une désintégration structurelle.
Stellantis vacille, les marques historiques meurent ou sont revendues à la découpe, et des centaines de milliers de sous-traitants voient s'effondrer le seul secteur qui leur permettait encore de vivre dignement de leur savoir-faire.
Tout cela au nom d'une transition électrique imposée, censée sauver la planète, mais qui ne sauve que les bilans chinois.

On nous a vendu la «voiture propre» comme une évidence, que dis-je...obligation... morale. Mais derrière le vernis «écologiste», c'est un désastre industriel et social sans précédent.
Les coûts et les tarifs explosent, la demande s'effondre, la dépendance à la Chine devient totale : pour les batteries, les terres rares, les composants, les technologies de charge.
L'Europe se vide de son savoir-faire et de son génie productif et se remplit de normes, de taxes et de logiciels de conformité. Ce génie se borne désormais à inventer les bouchons fixés aux flacons pour sauver la planète.

Ce n'est pas un accident, c'est un basculement civilisationnel : on a troqué l'esprit d'ingénierie contre l'esprit de régulation. L'ouvrier, l'ingénieur et l'artisan laissent place à l'auditeur, au consultant et au fonctionnaire climatique. Les États ne construisent plus, ils interdisent et les industriels ne créent plus, ils se conforment.

Et dans cette Europe bureaucratique, le moteur thermique, chef-d'œuvre de deux siècles d'intelligence mécanique, devient un ennemi politique.

Ce n'est pas seulement de l'incompétence, ni même de la bêtise, c'est une stratégie. L'autodestruction du tissu industriel européen prépare l'ère du contrôle total, celle où la mobilité, la consommation et l'accès aux ressources ne seront plus des droits, mais des permissions conditionnelles.

La voiture électrique n'est pas une révolution technologique, c'est une transition vers la dépendance : dépendance à l'énergie centralisée, dépendance au logiciel, dépendance à la décision politique. On ne roule plus, on est «autorisé à circuler». Le véhicule devient un terminal connecté, traçable, configurable à distance, et demain, débrayable en un clic par une autorité.

L'étape suivante : l'identité et la monnaie numériques

Là se trouve le véritable basculement. L'identité numérique européenne (EUDI Wallet) et l'euro numérique programmable sont les deux faces d'une même médaille : l'une nomme et identifie, l'autre permet ou interdit d'exister économiquement.

Officiellement, il s'agit de «simplifier la vie des citoyens». En réalité, ces outils fusionnent toutes les dimensions de ton existence : ton argent, ta santé, tes déplacements, ton empreinte carbone, ton profil fiscal. Tout devient conditionnable et donc conditionné, et ce qui est programmable peut être désactivé.

Demain, un simple dépassement de quota CO₂, un retard de taxe, ou une «non-conformité environnementale» suffira à bloquer ton paiement ou ta recharge électrique. La surveillance verte devient ainsi l'architecture du nouveau contrôle social, douce, propre, rationnelle et surtout totalitaire.

La prison sans barreaux

Jeremy Bentham avait imaginé le Panoptique : une prison circulaire où un seul gardien, invisible, pouvait tout voir. Les détenus, ne sachant jamais quand ils étaient observés, an arrivaient à se surveiller eux-mêmes. Deux siècles plus tard, ce modèle est devenu numérique, le gardien n'a plus d'œil, il a des algorithmes. Les murs sont faits de données, les tours de garde de serveurs, les barreaux de conditions d'utilisation que chacun signe sans les lire. Le citoyen s'y enferme volontairement, pour sa sécurité, pour la planète, pour plus de simplicité.

Le contrôle ne punit plus : il paramètre. L'ancienne docilité s'appelle aujourd'hui conformité, et la morale religieuse a cédé la place à la morale verte. Ton empreinte carbone remplace le péché, ton QR code sert de confessionnal. Sous couvert d'écologie et de progrès, la servitude devient vertu. Le Panoptique numérique n'a plus besoin de murs, ni de gardien : il suffit d'une connexion et d'une bonne conscience. Le prisonnier croit être libre - et c'est là que la prison est parfaite. La cerise sur le gâteau, le prisonnier paie lui-même ses chaînes avec des smartphones ou Iphone à plus de 1000 euros.

Le confort comme anesthésie

Pourquoi la population accepte-t-elle ce déclin ? Parce que jusque-là, le confort sert d'anesthésiant. Les gens sentent bien de plus en plus que quelque chose cloche, mais ils ont encore Netflix, des livraisons à domicile, des crédits prolongés, des voyages low-cost. Le système maintient l'illusion de la normalité tant qu'il peut offrir du divertissement et du confort. Mais ce confort est déjà en train de se fissurer : énergie, logement, mobilité, nourriture, tout devient conditionné, rare, cher ou rationné.

Quand les citoyens comprendront que cette rareté n'est pas subie mais organisée, alors l'hypnose prendra fin.

Le réveil ne viendra pas des institutions ni des médias : il viendra du choc direct avec la réalité. Quand une carte d'identité numérique refusera l'accès à un service. Quand un paiement sera rejeté «pour raison environnementale». Quand un véhicule refusera de démarrer un jour de «restriction énergétique». Alors les gens comprendront que le «monde durable» qu'on leur promettait est en réalité un monde sous tutelle.

Et ce jour-là, le système aura trop bien réussi car en cherchant à tout verrouiller, il aura créé le sursaut qu'il redoutait le plus - le retour brutal du réel, le refus instinctif de la servitude.

Mais... Car il y a un mais, et il est de taille. Le pouvoir qui a bâti cette architecture de contrôle n'ignore pas que la confiance s'effondre. Il sait qu'un peuple qui s'appauvrit et se sent trahi finit toujours par se révolter.
Et comme toujours dans l'Histoire depuis la nuit des temps, rien n'unifie mieux qu'une guerre.

Depuis des mois, les signaux se multiplient : montée en puissance de la rhétorique militaire, budgets de défense explosés, réactivation du service obligatoire, normalisation de l'idée de «guerre durable».
L'Europe, jadis continent de paix, se prépare mentalement à l'inacceptable, un conflit direct ou indirect avec la Russie, maquillé en «devoir de solidarité». Ce ne serait pas une guerre pour défendre des frontières, mais pour souder des masses désorientées autour d'un ennemi extérieur fictif, en étouffant les colères intérieures.

Et dans ce brouillard martial, la technostructure trouverait une opportunité inespérée :

  • un état d'urgence numérique pour «protéger les infrastructures critiques» ;
  • un gel temporaire des avoirs pour «soutenir l'effort de guerre» ;
  • une surveillance renforcée des «fausses informations» et des «discours prorusses».

Tout cela existe déjà à l'état de projet.
Il suffira d'un déclencheur.

La peur est le seul carburant qui puisse remplacer le confort. Quand la peur domine, le citoyen réclame lui-même le contrôle qu'il refusait hier. Et rien ne rend plus docile qu'un peuple convaincu qu'il faut choisir entre «liberté» et «sécurité nationale». Alors, le réveil tant attendu pourrait être retardé - une génération de plus - par une mise sous tension collective, un nouveau rideau de fumée géopolitique.

Mais là encore, cette fuite en avant aurait une limite. La guerre, comme la propagande, use ce qu'elle prétend protéger, et tôt ou tard, les peuples comprendront qu'on ne sauve pas la démocratie en supprimant la liberté, ni la paix en semant la guerre.

Le vrai réveil, s'il advient, ne sera pas joyeux.
Il ne viendra pas d'un espoir collectif, mais d'une fatigue du mensonge. Quand tout ce qui a été promis - la croissance verte, la neutralité carbone, la prospérité numérique, la paix éternelle - se sera effondré sous son propre poids, alors seulement le voile tombera. Mais ce jour-là, l'Europe que nous connaissons n'existera peut-être plus.

Et c'est peut-être là le plus grand paradoxe : le véritable «Réveil numérique» aura bien lieu, mais sur les ruines du monde qui l'a rendu nécessaire.

«Le réveil ne viendra pas d'en haut. Il commence quand on refuse la permission de vivre. Et toi, jusqu'où l'accepteras-tu ?»

PS : Certains critiquent l'usage d'une illustration générée par intelligence artificielle, mais cela n'a rien de contradictoire avec une réflexion critique sur l'IA. C'est comme utiliser un ordinateur pour écrire un texte sur la dépendance au numérique : on se sert de l'outil, on ne s'y soumet pas. Ce qui compte, ce n'est pas l'outil, mais l'intention et la conscience avec lesquelles on l'utilise. Je ne critique pas la technologie en soi, mais l'usage politique, social et idéologique qu'on en fait, et cela, c'est profondément humain. Refuser d'utiliser l'IA au nom d'un principe moral serait aussi absurde que refuser un stylo parce qu'il a servi à écrire des mensonges. L'illustration par IA n'est ici qu'un moyen esthétique au service d'une idée, pas une caution du système qu'elle dénonce. C'est au contraire une manière de prouver qu'on peut maîtriser la machine plutôt que la subir.

Utiliser l'IA pour illustrer un texte qui la critique n'est pas une contradiction, mais une démonstration : on se sert de la machine, on ne s'y soumet pas.

 Serge van Cutsem

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